Très affaibli sur le plan intérieur, le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2016 a fini par perdre la quasi-totalité de ses soutiens à l’extérieur. Désormais, ses ultimes espoirs de rebondir reposent sur le futur président des Etats-Unis, Joe Biden, et sur le candidat de l’extrême-gauche à l’élection présidentielle en France, Jean-Luc Mélenchon. Un pari par défaut certes, faute d’atouts plus solides, mais très périlleux. Explications.
Ce weekend, Jean Ping a semblé retrouver de l’espoir. Mais il pourrait bien ne s’agir que d’une illusion.
Samedi tout d’abord, le patron de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) s’est empressé, quelques minutes seulement après que le président Ali Bongo Ondimba l’a fait, de féliciter Joe Biden pour son élection à la Présidence des Etats-Unis. Des félicitations maladroites, faites sur le coup de l’empressement, mais qui, selon ses partisans, « ont le mérite d’existé ».
Le lendemain dimanche, dans la soirée, Jean Ping a écouté en direct l’annonce de candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle française prévue en 2022. La France Insoumise, dont il est le leader, est le dernier parti en France à se faire ponctuellement, via le relais de Danielle Obono, l’écho des préoccupations de l’opposant gabonais.
« Jean Ping est un peu aujourd’hui dans la situation du noyé qui tente de se raccrocher à n’importe quelle branche sur son passage pour tenter de se sauver », commente un ex-ministre, membre du PDG, qui connait bien Jean Ping pour avoir travailler avec lui durant une vingtaine d’années quand celui-ci était l’un des membres les plus éminents de la majorité.
De fait, Jean Ping est aujourd’hui dans une posture délicate. Très contesté en interne au sein de l’opposition gabonaise tant par la vieille garde (Nzouba-Ndama, Barro Chambrier…) que par les jeunes loups (le collectif Appel à agir, le Parti pour le changement…), il a vu également ses soutiens extérieurs le lâcher un à un. Le Parlement européen, sur lequel il comptait beaucoup en 2016 pour se remettre en selle, s’est finalement rangé derrière les Etats-membres et la Commission européenne qui ont poussé pour la normalisation des relations avec Libreville après le scrutin de 2016.
En Afrique centrale, Libreville est considérée comme parmi les partenaires les plus fiables
Dans ce paysage morose, Ping est tenté de chercher la moindre lueur d’espoir. Ce weekend, justement, il pense l’avoir perçu. Doublement. « Jean Ping veut croire que l’élection de Joe Biden à la Présidence des Etats-Unis va l’aider dans son combat pour ce qu’il appelle le ‘rétablissement de la vérité des urnes’. Tout comme il mise sur une victoire de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2022 », explique un professeur en science politique de l’UOB.
Mais, selon les observateurs, le pari s’avère, plus qu’osé, périlleux. Du côté des Etats-Unis tout d’abord, l’opposant gabonais semble s’être, dans l’enthousiasme général, laissé emporter par ses illusions, comme l’atteste un haut-diplomate à Washington, fin connaisseur de l’Afrique centrale. « En Afrique centrale, les Etats-Unis sont avant tout attachés à la stabilité et leur dossier prioritaire dans cette zone reste la lutte contre le terrorisme international. Or, sur ces deux tableaux, Libreville est considérée comme parmi les partenaires les plus fiables dans la région », explique celui-ci.
En outre, Jean Ping omet un paramètre important. Les bonnes relations nouées par la Présidence gabonaise avec l’administration Obama / Biden de 2009 à 2016. En outre, Michaël Moussa Adamo, qui fut l’ambassadeur du Gabon aux Etats-Unis pendant 9 ans avant d’être nommé en juillet dernier ministre de la Défense, est notoirement proche des réseaux démocrates. Un atout précieux pour le président Ali Bongo dont Adamo est l’un des plus proches collaborateurs.
Les chances de Mélenchon de se retrouver au 2ème tour de la présidentielle en 2022 sont nulles
Du côté français, le tableau est encore moins reluisant. La candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, pour la troisième fois, aussitôt annoncée dimanche soir, a été vivement critiquée dans les rangs de… la gauche (écologistes, socialistes). Déjà minoritaire dans l’opinion publique française, ce camp est condamné à se présenter en ordre dispersé, affirme un politologue français, rattaché au CEVIPOF de l’IEP de Paris.
« Déjà que l’attitude et les prises de position de Jean-Luc Mélenchon lui ont fait perdre beaucoup de soutien dans l’opinion ces dernières années, l’hypothèse – désormais quasi-certaine – d’une multiplication des candidatures à gauche fait qu’il sera impossible au leader de La France Insoumise de rééditer son exploit de 2017 lorsqu’il avait obtenu 19,7 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Les sondages le créditent aujourd’hui de 8 à 15 % des voix grand maximum (…) En tout état de cause, il n’a aucune chance de se retrouver au second tour de la présidentielle », prédit l’universitaire.
Or, en l’absence – plus que prévisible – de tout changement de ligne politique à Washington et dans la perspective d’un échec – hautement probable – de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2022 en France, les derniers espoirs de Jean Ping d’accéder un jour à la magistrature suprême au Gabon semblent relever plus que de l’illusion, de l’aveuglement.